PASCAL TRIPIER-CONSTANTIN

MÉRITOCRATIE : POUR EN FINIR AVEC LES ILLUSIONS

pascal tripier constantin

Cette semaine, nous allons parler d’un sujet que je n’avais pas encore abordé de front sur le podcast : la méritocratie.

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Mon invité s’appelle Pascal Tripier-Constantin, il est professeur d’Éducation Physique et Sportive, diplômé de l’Institut d’Études Politiques d’Aix-en-Provence et élève de l’historien et anthropologue Emmanuel Todd. Il a rédigé des analyses sur divers sujets de société tant pour France Soir que pour Front Populaire ou Causeur.

« La méritocratie c’est la reconnaissance des efforts fournis et l’assurance d’avoir une position sociale confortable. »

Les trois pépites de cet échange :
1) Pascal définit la méritocratie comme la reconnaissance des efforts fournis et l’assurance d’avoir une position sociale confortable. Mise en place à la fin de l’ancien régime, lorsque la bourgeoisie a pris le relais d’une aristocratie à bout de souffle, la méritocratie a permis d’instituer dans les mentalités le fait que si l’on travaille dur, si l’on fait des efforts, si l’on décroche des diplômes, alors il est possible de réussir – la définition même de réussite étant balisée par la pouvoir en fonction de ce qui l’arrange à un instant T. La méritocratie, c’est le rêve d’un ascenseur social pour tous qui nous fait croire que tout est possible, qui donne à « ceux qui réussissent » (je mets des guillemets à cette expression) l’impression d’être légitimes et surtout de ne devoir leur réussite qu’à eux-mêmes.
2) Le deuxième intérêt de la méritocratie est de donner au peuple l’illusion de la démocratie. Car il ne s’agit pas que tous aient le pouvoir, mais que les plus méritants puissent le garder. La méritocratie fait apparaître « des hommes et des femmes d’exception » (là encore, ouvrez les guillemets !) qui sont en fait les plus conformes puisque ce sont ceux qui ont montré à leurs pairs qu’ils avaient compris les règles du jeu et qu’ils les respectaient afin de les faire élire par la population tout en lui faisant croire que le choix vient d’elle. C’est une « démocratie par le haut » pour reprendre l’expression de Pascal dans laquelle les plus riches décident pour eux-mêmes et dans leurs seuls intérêts. D’abord basée sur des éléments intellectuels (d’où le terme « élite »), cette méritocratie n’a plus que pour seul critère le conformisme car on voit bien que de moins en moins de personnes dans les hautes sphères du pouvoir ne disposent d’un capital culturel intéressant, agissant plutôt comme des chiens de garde pour le rée petit pourcentage qui tient les ficelles.
3) La formation d’une bourgeoisie de masse après 1945 a permis de coloniser tous les appareils d’État, tant sur l’aspect politique que judiciaire, culturel, médiatique… Ce qui fait qu’aujourd’hui une même classe d’individus (tout aussi hétérogène qu’elle puisse être, avec des intérêts parfois contradictoire) puisse se retrouver étrangement unie pour défendre ses positions sociales en temps de crise : comme on l’a vu au moment des Gilets Jaunes avec un déferlement de haine et de mensonges à leur égard, ou durant la crise du covid qui a mis en lumière les fractures déjà à l’œuvre au sein de la société.

Merci à tous d’avoir écouté cet épisode et à la semaine prochaine pour une nouvelle rencontre hors des sentiers battus.

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