AMÉLIE ISMAÏLI

ANTI-CONSPIRATIONNISME OU NÉOLIBÉRALISME AUTORITAIRE ?

Amélie Ismaili néolibéralisme autoritaire

Cette semaine, j’ai avec moi une invitée qui n’a pas sa langue dans sa poche ! Formée aux sciences de l’information et de la communication, Amélie Ismaïli a d’abord travaillé comme conseillère en communication dans les stratégies d’influence et de partenariat médias avant de devenir, à partir de 2020, la cible de nombreux fact-checkers sur le réseau social Twitter.

*****

Cette expérience l’a poussée à enquêter de plus près sur les idéologies anti-conspirationnistes et les valeurs « démocratiques » qu’elles prétendent promouvoir. Devenue malgré elle « journaliste citoyenne », Amélie consacre aujourd’hui son temps à la publication d’articles d’investigation et d’analyses critiques. Elle coproduit avec Greg Tabibian une série d’enquêtes qui paraîtront dès le 5 novembre sur la chaîne « J’suis pas content TV ».

« J’ai changé de paradigme par rapport à cela : le paradigme d’une certaine gauche qui ne discute jamais avec les autres, qui refuse le débat. »

Les trois pépites de cet échange :
1) L’anti-conspirationnisme n’est rien d’autre qu’une nouvelle forme de maccarthysme qui, contrairement à ce qu’il prétend, ne cherche pas à débusquer ceux qui croient à des théories du complot mais à discréditer toute personne qui porte un regard critique à l’égard des politiques néolibérales et de ce fait, à clore le débat. Sortir du cadre de la bien-pensance, c’est être complotiste. Douter d’une parole officielle ou remettre en cause les institutions, c’est être complotiste – ou d’extrême droite, les deux allant souvent de pair – et par conséquent, c’est perdre toute légitimité à une prise de parole publique. Amélie me racontait hors entretien qu’elle s’était dit une fois que si Pierre Bourdieu avait été en vie, il aurait certainement été taxé de complotiste et qu’en faisant des recherches sur internet, elle s’était aperçue que c’était le cas ! J’ai donc à mon tour fait des recherches et suis tombé sur un article de Conspiracy Watch qui tente de justifier des paroles complotistes de Bourdieu. L’article est daté de 2009 mais c’est une petite pépite : je vous mets le lien dans les notes de l’émission.
2) Cette chasse aux sorcières est orchestrée par une police de la pensée numérique, les fact-checkers, qui dans cette guerre de l’information jouent un rôle dissuasif pour tous ceux qui hésitent. En effet, Amélie nous dit qu’un certain nombre de personnes – et notamment des journalistes – restent silencieux par crainte d’être assimilés à un parti et une idéologie qu’ils ont toujours combattu. Si vous êtes dans ce cas, que vous vous posez des questions mais que vous avez peur d’être rejetés en rompant avec le discours officiel, sachez que vous n’êtes pas seuls et qu’il existe des centaines de nuances de « complotistes ». Historiquement, les partis dits « d’extrême-droite » ont incarné le fascisme mais la preuve en est qu’il y a d’autres formes de fascismes que ceux de la droite identitaire ! Le parti unique que la République en Marche a créé en faisant imploser les partis traditionnels, la pensée unique qu’ils imposent notamment via les fact-checkers… Tout cela participe de la consolidation d’une idéologie libérale autoritaire à l’œuvre depuis des années mais particulièrement assumée depuis 2017. Alors peut-être est-il préférable de laisser les autres croire que l’on est « d’extrême droite » plutôt que de soutenir, par son silence, cette dictature qui ne dit pas son nom.
3) Cette polarisation de la société a fini d’opérer une séparation déjà bien amorcée entre les classes moyennes de gauche (les fameux « bobos ») et les classes populaires. Tandis que certaines figures prétendument progressistes ont tenu un discours fasciste notamment pendant la crise sanitaire, des figures de la droite traditionnelle ont commencé à s’approprier le combat pour les libertés, rendant toute réconciliation quasi-impossible. Il serait peut-être temps que cette gauche dont on parle se réveille si elle ne veut pas que la devise de la France (Liberté, Égalité, Fraternité) ne finisse, comme le drapeau, par être l’apanage des nationalistes ! Je suis à titre personnel très curieux de voir comment ce clivage va évoluer dans les prochains mois car le conflit actuel à Gaza tend à rebattre les cartes. En effet, le parti de Jean-Luc Mélenchon a historiquement soutenu la Palestine, ce qui est aujourd’hui contraire au discours dominant. La France Insoumise va-t-elle devenir un parti d’outsiders et recevoir le fameux label complotiste ou au contraire, va-t-elle définitivement vendre son âme et renier ses idéaux passés pour ne pas être mis au ban de la société ?

Merci à tous d’avoir écouté cet épisode et à la semaine prochaine pour une nouvelle rencontre hors des sentiers battus.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *