ANNIE LACROIX-RIZ

COMMENT LES CLASSES DOMINANTES FAÇONNENT L'HISTOIRE

Annie Lacroix-Riz professeur émérite d'histoire contemporaine à l'université paris diderot

Cette semaine, nous allons aborder un sujet inédit sur le podcast ! Eh oui car aujourd’hui il sera question du rôle de l’Histoire dans la fabrique du consentement. Nous savons que les journalistes occupent une place importante dans les actes de propagande, nous savons que les artistes occupent une place importante également… Mais quid des historiens ?

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Pour en savoir plus, j’ai convié à mon micro Annie Lacroix-Riz, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Diderot, ancienne élève de l’école normale supérieure et agrégée d’histoire en 1970. Elle travaille depuis sa thèse d’État sur la politique intérieure et extérieure de la France et ses liens avec le continent européen, le Vatican et les États-Unis. Elle a récemment publié aux éditions Armand Colin deux ouvrages : La Non-épuration en France de 1943 aux années 1950 et Les origines du Plan Marshall : le mythe de l’Aide américaine.

« Les Historiens m’avaient appris à tenter d’établir les faits et je suis tombée dans une période où on nous disait qu’établir les faits, ce n’était pas décisif. »

Les trois pépites de cet échange :
1) Les Historiens ont toujours été au service des Etats. Cette orientation s’explique d’abord par le fait qu’ils sont eux-mêmes issus de classes moyennes supérieures, mais également parce que la production d’une pensée critique n’a jamais vraiment été compatible avec le fait de mener une carrière. Comme l’explique Annie Lacroix-Riz, la recherche nécessite des financements et comme pour les secteurs pharmaceutique et agroalimentaire – le poids des industriels est considérable. A cela s’ajoutent une emprise extrêmement forte de l’Europe et des Etats-Unis sur le champ de la recherche historique et la disparition des thèses d’Etat, qui à l’époque d’Annie Lacroix-Riz permettaient encore de garantir une forme de légitimité.
2) Le cas d’Annie Lacroix-Riz est particulièrement intéressant car elle ne souhaitait pas initialement aller à contre-courant. Elle a un profil de bonne élève qui souhaitait faire son travail correctement et qui de fil en aiguille s’est rendue compte que son métier, tel qu’elle l’avait appris, ne pouvait pas être exercé de la bonne manière. Cela m’inspire évidemment une réflexion sur le profil des marginaux : qu’est-ce qui fait qu’à un moment, un individu fait un pas de côté pour observer la société sous un angle différent de la majorité ? Pour Annie, je dénote au moins trois facteurs : déjà, son appétence pour le marxisme et donc de fait une capacité à voir les rapports de force et de domination ; ensuite, un esprit critique aiguisé depuis l’enfance grâce à une instruction solide (qui n’existe plus aujourd’hui) ; et finalement une volonté presque naïve de bien faire son travail.
3) Le travail d’Annie Lacroix-Riz n’est pas sans rappeler celui du statisticien Pierre Chaillot qui à l’aune des chiffres officiels, a mis au grand jour l’affabulation autour du covid. Je vous renvoie, si vous ne l’avez pas encore écouté, vers l’épisode 10 de ce podcast. A plusieurs reprises, Annie a insisté sur le fait que le travail de l’Historien est avant tout d’étudier les archives, et notamment les archives policières qui suivent « les petits et les grands » pour reprendre ses termes. Cela nous apprend au moins deux choses : premièrement, que rien n’est caché pour qui veut vraiment voir la vérité – les archives étant écrites par ceux qui dirigent ; deuxièmement, que les Historiens actuellement ne se basent pas sur les faits (puisqu’ils ne travaillent pas à partir d’archives) mais sur une interprétation des faits suggérée par ceux qui possèdent le pouvoir.

Merci à tous d’avoir écouté cet épisode et à la semaine prochaine pour une nouvelle rencontre hors des sentiers battus.

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