L'ENCYCLO-SPECTACLE

L'INTERMÉDIALITÉ SERT-ELLE LA DÉMOCATISATION ?

Max Bird dans son spectacle L'Encyclo-spectacle

L’Encyclo-spectacle est un seul en scène présenté par Max Bird et compilant différents sketchs sur des thématiques diverses telles que le corps humain, l’Égypte antique ou encore les dinosaures.

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Il est le fruit de la rencontre entre les deux passions de l’auteur : d’une part, pour les contenus éducatifs (mythologie, biologie, ornithologie – d’où son nom de scène) ; et, d’autre part, pour l’humour. « C’est un peu comme si Jim Carrey présentait C’est pas sorcier », annonce le programme du spectacle. Maxime Déchelle (de son vrai nom) est humoriste et youtubeur. Sur sa chaîne, ouverte depuis 2016 et comptant désormais plus de 600 000 abonnés, il parle science et combat les « idées reçues » avec humour. Il s’inspire indéniablement du travail de Jamy Gourmaud dont le programme, diffusé sur France 3 entre 1993 et 2014, représente encore aujourd’hui un pilier de la vulgarisation scientifique. Des vidéos de Max Bird, certaines sont devenues cultes : par exemple, la vidéo sur l’homosexualité qui, au-delà de son aspect humoristique, constitue un véritable manifeste pour la tolérance. Max Bird est également engagé pour l’écologie : il a pris part à « L’affaire du Siècle » et fait partie du collectif Superlocal, qui a dévoilé il y a quelques jours son site internet.

Le spectacle est produit par Décibels Productions, une société de production de spectacles, « aussi bien concerts, humour que spectacles musicaux ». La société, soi-disant « rattachée à des artistes majeurs du paysage musical francophone », aurait « pour vocation de produire toutes les musiques pour tous les publics ». Dans les faits, elle finance des « artistes » aussi divers que Christophe Maé, Amel Bent, Lara Fabian ou encore Étienne Daho. Le président de la société est Pierre-Alexandre Vertadier, aussi connu pour avoir été le bras-droit de Thierry Suc et le dernier producteur de Johnny Hallyday. Un financeur qui semble donc ratisser assez large et auquel les démêlés de Johnny avec le fisc ne semblent pas avoir posé de problèmes de conscience.

Le point fort de Max Bird : son intermédialité. Voisine de l’intertextualité, cette discipline a été théorisée à la fin des années 80 à l’Université d’Amsterdam (Pays-Bas), par le professeur Jurgen Ernst Müller. Elle s’intéresse à la relation, à l’intérieur d’une œuvre, entre des media distincts ; ou encore au passage d’une œuvre d’un medium à l’autre. En effet, l’humoriste est présent sur internet (via YouTube), en salle (via son spectacle), sous forme de jeu de société (Max Bird, le jeu : édité en décembre 2018 à 13 000 exemplaires) ou encore par ses livres (Max Bird dézingue les idées reçues). Il anime aussi depuis peu des chroniques radio sur France Inter, dans l’émission Par Jupiter !. Son travail est relayé par le journal 20 minutes et par la chaîne YouTube de C’est pas sorcier.

Ce que nous révèle Max Bird à travers tous ces media, c’est son goût de la transmission. Le jeune homme de 29 ans aime transmettre des idées : c’est d’ailleurs ce qui le rend si pertinent. Il met son travail au service d’une cause (écologiste, par exemple) et n’hésite pas à utiliser sa position (celle d’une personne seule sur scène s’adressant à un groupe-public) pour inviter à lutter ou manifester. Max Bird devient ainsi lui-même son propre message et son spectacle dépasse la question de la démystification : c’est un spectacle qui fait un réel travail de démocratisation, dans lequel il investit sa propre histoire, à l’instar des conférences gesticulées. Mais n’est-ce pas là le principe même de la vulgarisation scientifique ?

Le plateau, quasiment nu, offre un espace à mi-chemin entre le one man show (tabouret de bar) et la conférence scientifique (tableau), ce qui contribue à la double dimension souhaitée par l’auteur. L’équilibre est parfait entre partage de connaissances et humour, et la « gestuelle exubérante » de Max Bird fait à elle-seule spectacle. À noter, d’ailleurs, que l’intermédialité mentionnée précédemment existe aussi sur scène, puisqu’il en appelle aux codes du jeu vidéo au moment où le public prend le contrôle du « vélociraptor ».

Son costume, d’ores et déjà mythique (chemise et pantalon noirs, cravate verte), lui a construit un personnage immédiatement identifié dans l’imaginaire populaire : une sorte de Charlot ou de Coluche des temps modernes. Max Bird a très bien compris les codes du one man show et se les approprie avec brio. Espérons que sa notoriété grandissante lui permette de s’émanciper d’une production dont les valeurs éthiques et morales sont pourtant éloignées de celles qu’il défend.

En attendant, vous pouvez le retrouver au Casino de Paris le 10 décembre prochain et en tournée à partir de janvier 2020.

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