MARTIN GEOFFRE

DU THÉÂTRE AU CHAMANISME : METTRE EN SCÈNE L'INVISIBLE

Martin Geoffre imaginaires et gestes chamaniques sur la scène contemporaine

Aujourd’hui, je vous emmène explorer d’autres mondes. Mon invité s’appelle Martin Geoffre : il est administrateur de compagnie, organisateur de fêtes techno et doctorant en Études Théâtrales à l’université de Rennes 2.

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Partant de l’hypothèse d’une corrélation entre représentations rituelle et théâtrale, son projet de thèse a pour titre « Imaginaires et gestes chamaniques sur la scène contemporaine ».

« Ce n’est pas tant qui va passer les portes ou comment on passe les portes de la perception qui m’intéresse, mais qu’est-ce qu’il y a derrière les portes de la perception. »

Les trois pépites de cet échange :
1) Il existe effectivement des passerelles entre les pratiques théâtrale et chamanique, à commencer par le fait que toutes deux cherchent à avoir un impact sur le réel. Dans les deux, les praticiens entrent dans un état de conscience modifié, font appel à quelque chose de plus grand qu’eux et dans les deux, il existe des exercices de préparation très similaires tels que l’ancrage ou la visualisation. Cette porosité des pratiques s’explique notamment par le fait que théâtre et chamanisme sont deux disciplines nées du rituel. Mais au-delà des similitudes sur la forme, il serait intéressant de questionner les similitudes sur le fond : en quoi peut-on dire que l’espace-temps de la scène de théâtre est déjà un monde en lui-même ? En quoi peut-on dire que le voyage théâtral est déjà une sorte de voyage chamanique ? Pour autant, ces questionnements semblent sortir du champ de recherche de Martin qui vise plutôt à mettre en lumière les artistes qui mettent en scène ce qu’ils ont vu lors de voyages.
2) Puisque l’artiste crée à partir de son vécu et de son imaginaire, il est tout à fait possible d’envisager qu’il transpose sur scène les récits de ses voyages chamaniques, de la même manière qu’il pourrait transposer ses rêves, ses cauchemars ou ses souvenirs d’enfant. Là où je ne suis pas d’accord avec Martin, c’est sur le côté « rassurant » de la démarche. Le voyage chamanique est de l’ordre de l’intime et je ne crois pas que l’ont ait besoin de vérifier que d’autres ont fait le même voyage au même endroit pour s’assurer que celui-ci était réel. Je ne crois pas que l’on ait besoin de voir pour croire. Et ce n’est pas pour autant qu’on ne peut pas faire commun, mais il y a une différence entre faire commun et faire en sorte que tout le monde croie ou pense la même chose.
3) Je suis encore moins d’accord avec la vision de l’art donnée par Martin. A mon sens, créer ne donne à l’artiste aucune légitimité supplémentaire et surtout pas le droit de faire primer sa vision sur celle des spectateurs. Créer n’est ni un luxe ni un effort qui nous rendrait plus méritant, créer est un besoin vital. Je ne vais pas m’étendre ici sur le sujet car j’en ai déjà fait un podcast solo donc si cela vous intéresse je vous invite à aller écouter le premier épisode de la Minute Contre-Culture. Mais cet échange m’invite à m’interroger sur la place de l’artiste dans le monde : n’est-il pas aussi une sorte de chamane ? Le chamanisme artistique ne servirait-il pas à créer un pont entre le monde tel qu’il est et le monde tel qu’on voudrait qu’il soit ?

Merci à tous d’avoir écouté cet épisode et à la semaine prochaine pour une nouvelle rencontre hors des sentiers battus.

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